Point de vue : Nicole de Poncharra

J’aime que Philippe Guiguet Bologne sente aussi bien Tanger et restitue sa capacité à éprouver, dans un récit aussi pertinent qu’original. « Socco, une promenade dans la vieille ville de Tanger » m’a d’autant plus charmée que j’y retrouvais les échos de mes propres émotions, découvertes, nourries par l’analyse de l’écrivain questionnant l’histoire.

Bien sûr on peut le lire, ce livre, comme un guide, mais au sens de parcours initiatique rare car il pointe autant les traces architecturales ou mémorielles de ce que fut Tanger dans sa gloire que les signes d’une situation de crise représentés par le visage des enfants des rues. Le lecteur est envoûté par l’évocation des odeurs, des musiques, des lieux de création décrits dans leurs activités artistiques reliées à des personnes pour lesquelles la nécessité de réaliser et de partager est une évidence. D’un bout à l’autre du récit on évite tout lieu commun, clichés si décevants des journaux ou reportages cherchant à évoquer la ville secrète qui leur échappe presque toujours.
C’est vraiment un défi surmonté ici. L’auteur est le conteur amoureux qui connaît ce dont il parle, de l’intérieur. Il peut comparer le petit Socco à ce que fut la place Djemaa el fna parce qu’il en a suivi l’histoire et en connaît les habitués, il est le familier, celui qui est passé et repassé, fait tours et détours, est entré dans les salons de musique, gargotes et palais, voit la beauté, n’ignore pas la misère, aime les chats et les arbres dont le vieux ficus de la Mendoubia. Il n’a pas ménagé sa peine pour pouvoir nous parler, nous entraîner sur cette promenade « toute en pentes et détours » où il nous offre des rencontres improbables et magiques avec les personnages qui ont fait et continuent à construire cette architecture matérielle et immatérielle constituant le corps vivant de notre Tanger.
 

J’aime que les dernières pages se terminent avec la poésie, une chanson écrite sur le poème d’Ibn Al Faridh écouté une nuit par notre écrivain qui est avant tout poète. « Tu sauras que je suis un amoureux authentique ». Il l’est. Il n’y a rien d’autre à dire. 

Editions Slaïki Frères
N.P. Août 2015