nila
Slaïki, 2019
52 pages, 7 euros, 60 dh
14.5×21 cm
ISBN : 978-9920-720-80-9
Dépôt légal : 2019MO1638
extrait
(la clarté d’un feu de bois… je ris de ce qu’il insiste à nous imaginer grains de sable dans le vent épris de tourbillons et emportés au gré du plus beau des hasards… frères de liberté d’un poids de rien et rien parmi le rien s’envolent loin vers la délicatesse… et son rire de la fragilité d’un enfant gêné d’exister… clair et joyeux véritablement… limpide tourne le regard vers le ciel… nihla… grains de sable… poussière retourne à la poussière ainsi des déserts d’oubli et de componction par ergs entiers vastes dunes stériles où roulent les grains… mouvant hijab voile de brumes cache la face de Dieu… parokhet arraché au saint des saints par d’antiques tempêtes… va au long des lits arides d’oueds en disgrâce… ocre et effumé pruine recouvre les murs des cités anciennes de cette même poussière de remparts égratignés… tempête de sable désordre des déserts dispersés aux quatre ou huit ou autant d’autres vents contraires balayant maisons et villes réduites en une poignée gardée précieusement dans une urne déjà elle-même ruine. « Il me dit : il n’y a rien d’autre à dire… » et prise de folie cette poussière de pigment s’empare de lumière et rend ses bleus parmi les plus insensés qui font la nique aux cieux des jaunes profonds aussi gourmands que le miel des rouges d’heureuse catin des verts à rendre fous les ruisseaux glacés des montagnes… il prend tout cela et le rend à la poussière dans la joie de ceux que l’éphémère… au poudrin de l’œil iris qui se dilate indicible couleur du regard aimé… écarquillé… deux pierres à moudre et d’autres à lancer sur le diable et ses tentations… tous les damnés de la terre qu’il faudra bien un jour libérer puisque tout a une fin. « Je lui dis : je t’imagine bien anachorète, repu de graviers et, par inadvertance, sur le point d’offrir au monde quelques miracles. Il n’apprécie pas mon humour et plante son regard de nulle part vers nulle part… » une araignée traverse les mots puis courant sur la terre battue en quête d’un abri sent déjà où elle tissera sa toile là-bas au loin dans l’angle sombre du tableau… lui laisse penser qu’il aimerait la fixer à jamais là où il dépose ses immortels)
d’une densité de nila
dans l’opulence du silence il retrouve
il aime à taire et sourit
trop bruyant pour laisser la pensée se mouvoir
humilité
brûlé et celé de renoncements
résumé
Le Centre international de poésie de Marseille a organisé un hommage à l’immense et si singulier plasticien d’Assilah, au Nord du Maroc, Khalil El Ghrib, accueillant une exposition de ses œuvres au début de l’été 2016. Emmanuel Ponsart, directeur du cipM, a alors passé commande, parmi d’autres auteurs, à Philippe Guiguet Bologne, ami de l’artiste depuis un quart de siècle, d’un texte de quelques lignes destiné à accompagner cet événement. Très vite le fil de nila est apparu à son auteur comme une évidence, écrit dans une urgence et une rapidité résolument éloignées de tout ce qu’est Khalil El Ghrib, mais où cependant l’auteur pense avoir conjugué avec ses propres obsessions une dimension essentielle de l’univers du plasticien. Il y évoque, comme dans une marche jusqu’à l’épuisement, Assilah, sa lumière si particulière reflétée par le blanc minéral de la chaux, les cris de l’Atlantique contre la jetée de la krikia, le silence de la médina et la solitude, le néant et la vacuité durant les longs hivers et dans toutes choses, l’amitié dont le lien avec le poète Edmond Amran El Maleh, la déliquescence et la finitude, la mort qui accompagne tout vivant par ses chemins tortueux, les routes parcourues par les condamnés et celles traversées par les saints, l’univers cosmique de l’arrière-pays et l’ampleur insondable de l’Atlantique, ici moitié du monde plus qu’ailleurs. De débris en rebuts, ramassés par le plasticien sur sa route de pensées soufies jusqu’à son œuvre éphémère et périssable, l’auteur a construit un texte qui en appelle à l’ascèse autant qu’aux vieux mythes, sorte de Septième sceau baigné par la lumière qui éclaire le monde de Khalil El Ghrib.
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nila est disponible à Tanger dans les librairies des Colonnes, les Insolites, le Cercle des arts et la Virgule. Pour le reste du Maroc, la France et l’étranger, nous vous recommandons de le commander auprès de l’un de ces points de vente.