Mghaït le Saint
Slaïki, 2020
98 pages, 6 euros, 60 dh
14.5×21 cm
ISBN 978-9920-655-09-5
Dépôt légal 2020MO2244
extrait
Une colline couverte de sécheresse et de broussailles et de ronces parmi lesquelles paissent et s’ennuient quelques chèvres fiérotes et insolentes, et jouent des enfants heureux et sauvages. La colline décapée par l’été et ses cieux ensoleillés se penche sur le bleu de l’océan, ici assagi par les lois des Hespérides. C’est bien, là encore, l’un des secrets entretenus par ceux qui se tiennent dans les girons de Mghaït le Saint, hommes et esprits, flore, faune et minéraux, que de percevoir que le sacré des lieux a pu, quelque peu, dompter les mers. Il y a donc, au bout de cet interminable chemin de poussière et de caillasse, un paysage indicible, car, au fond, comme tous nous le savons, ces choses-là ne se racontent pas, moins encore ne se décrivent ; elles se respirent et se ressentent, quelque dimension de la chair doit entrer dans leur compréhension – entre le frisson grenant une peau à peine embrassée ou celui courant sur une nuque courbée dans l’amour, et le nœud au creux du ventre, d’émotion et peut-être de peur aussi, de cette crainte que l’on doit éprouver en pressentant que l’on va découvrir, dévoiler, entrevoir la face de Dieu ; sacrilège que l’on sait irréalisable, mais mirage que l’on doit pouvoir percevoir parfois, comme ça, inopinément, dans les reflets provoqués par un rayon de soleil rebondissant sur l’horizon, dans le sifflement d’une brise, un éclat de lumière sur un grain de sable, une odeur de thym dévalée de la colline, dans le sourire lumineux d’un passant ou dans la puissance d’une houle qui pourrait nous emporter bien loin des rives ; ces choses-là ne se racontent pas, car elles appartiennent au secret que chacun de nous veut garder en lui, et c’est pourtant bien ces terres de l’indicible que je m’en vais arpenter pour tenter d’en transcrire le miracle.
Résumé
Sidi Mghaït serait une plage au Sud de Tanger, entre les épures silencieuses de la médina d’Assilah et le repos éternel de Jean Genet, à Larache. C’est une petite anse s’ouvrant sur les immensités de sable d’Errada, baignée d’un courant d’océan chaud venu d’on ne sait où et d’une lumière taillée dans la transparence ou l’opale du jour, selon les humeurs du temps. Un mausolée bleu et jade, celui du saint Mghaït, dort au milieu de la grève, au pied d’une hacienda construite pour la retraite et les plaisirs d’un homme d’affaires d’un autre monde, petit dieu qui longtemps fut l’un des rares à connaître et garder le secret des beautés de cette plage. Les paysans alentours venaient s’y baigner l’été, comme de rares invités du moussem culturel d’Assilah et quelques originaux que la longue piste de caillasse et de poussière n’effrayait pas. La région est aujourd’hui devenue un objet de spéculation foncière et les touristes commencent à envahir ce lambeau de beauté sauvage posé sur les bords de l’Atlantique et aux portes des Hespérides. Le monde change et les questions restent en suspens, sur les plaisirs et leurs paysages, la vie d’un saint et celle des fous, et le sens du repos à l’ombre des marabouts. Au cœur des métamorphoses qui nous travaillent, Philippe Guiguet Bologne nous invite à questionner l’une des dimensions du sacré qui, pour lui, demeure essentielle, entre la beauté, la solitude, l’herméneutique et les mystères. Troisième et dernier volet d’une trilogie composée de Treize, écrit sur un projet plastique d’Ilias Selfati, et nila, sur l’univers de l’artiste soufi Khalil El Ghrib, Mghaït le Saint est un nouveau pas dans cette errance en quête d’une drôle de Toison d’or, synthèse et extrapolation des deux précédents volets. Les trois livrets-poèmes sont publiés par les éditions Slaïki.
se procurer le livre
Mghaït le Saint est disponible à Tanger dans les librairies des Colonnes, les Insolites, à la Galerie Conil et à Las Chicas. Pour le reste du Maroc, la France et l’étranger, nous vous recommandons de le commander auprès de l’un de ces points de vente ou de l’éditeur.