21 – Le projet
Slaïki, Tanger, 2022
124 pages couleur, 10 euros, 100 dirhams
15×10 cm
ISBN : 978-9920-661-78-2
Dépôt légal : 2022MO1532
extrait
Très souvent, on l’oublie, sans doute parce qu’on considère cela comme allant de soi, à moins tout simplement de n’en avoir absolument pas conscience, mais photographier demeure un projet. On ne va pas cueillir des images à fleur de réel comme on respire. Cette action relève totalement d’une décision, d’un choix. Quand je photographie, je choisis tout d’abord l’objet qui constituera mon image, puis je réalise un cadre, dans lequel je capte une lumière, un mouvement, une inertie, une frontalité ou une profondeur de champ… Dans le centième de seconde où je comprends que tout ce que je cherche est réuni pour réaliser l’image que je veux, à moins que ce ne soit l’image qui m’attend, j’opère la synthèse de tous les choix possibles et je décide que je vais fixer et garder cette image-là. À ce moment, le réel – prenons-en une définition de Bernard Noël : le visible – est un bloc de matériaux posé devant mon regard, dans lequel ce même regard va opérer une incision et affirmer une décision. Il n’y a pas d’action plus décisive – c’est bien sûr ici l’occasion de citer l’instant d’Henri Cartier-Bresson – que de prendre une photographie où, dans la durée d’un éclair, toute la conscience, tout le savoir et tout le savoir-faire du photographe, convergent vers un seul point – point tant dans le temps que dans l’espace – : celui qui permet de dire que l’image est là : faisable et signifiante. Chaque image photographique est un projet. Dès que je sors de ma maison et que je regarde le monde avec le désir de le photographier, je suis dans une prédisposition, dans une posture liée à ce projet : où je me projette dans ce que je vais ponctionner du réel que je vais croiser. Photographier – qui consiste en l’accumulation de la conscience de tous les éléments qui vont constituer l’image, de l’alignement du regard et du réel, et du geste d’appuyer sur le déclencheur – revient à mettre en action un projet et une projection de notre propre volonté.
résumé
Philippe Guiguet Bologne signe ici sa sixième petite chronique photographique, qui cependant n’aurait jamais dû exister ! La réalisation de 21 – Topographie d’une vallée désindustrialisée était annulée pour cause de pandémie de la covid-19. Mais les hasards de la vie demeurant toujours plein de surprises, et une invitation à se rendre en Égypte, pour un festival de théâtre universitaire, s’étant concrétisée après deux années d’ajournement, c’est en préparant ses bagages pour se rendre au Caire que l’auteur a commencé à s’interroger sur ce qui fait art et transcendance et, ainsi, rongeant jusqu’à l’os le questionnement autour de cette problématique pourtant déjà bien éculée, parvenir aux conclusions qu’il n’y a œuvre que là où il y a projet, et qu’il n’y a d’humanité que là où il y a narration ! La soixantaine d’images faites dans la capitale égyptienne durant la semaine du festival auront donc permis au chroniqueur de respecter la périodicité de sa chronique et à son projet – publier les images marquantes de l’année d’une façon régulière – de continuer d’exister. La gageure fut donc tenue et la publication de 21 – Le projet en est la marque insigne !
se procurer le livre
21 – Le projet est disponible à Tanger, à la Librairie des Colonnes, aux Insolites et à la galerie Conil.