Je n’étais pas là (Cheminement I – Fragments et débris)
Al Manar, Neuilly, 2017
128 pages, 20 euros, 180 dh
16×22 cm
ISBN 978-2-36426-087-0
extrait
Each man…
(Je t’amènerai mon amour à Mathura, où nous irons fêter Holi comme nous aurions été en carnaval. Dans l’ivresse et l’excès et outre toutes nos tristes règles, pour célébrer la vie encore possible. Et deux jours durant, dans la masse des corps chauds et humides de la foule qui nous aura engloutis en ses entrailles, je te saupoudrerai de pigments et te parerai en éclats des plus sublimes bleus intenses, rouge carmin, verts acides, orange, violets, roses, mauves… Tu seras arc-en-ciel, mon pont entre les mondes, la clef de voûte de mes cieux et de ma terre, mon lien, mon unique lieu, ma religion).
Each man kills…
Ce gamin électrique, prêt à exploser, hérissé tel un chat à fleur de flots, chaque muscle tendu, torse nu, épaules tombantes rachitiques, poitrine nerveuse, mains d’arthritique, regard vide, pâleur d’un damné, jambes écartées pour frapper, prêt à exploser…
Mourad et Mohamed m’avaient invité à visiter Bethanie, atroce banlieue de Jérusalem, séparée de son centre et de sa raison par l’odieux mur, accolée à ce rempart et gisant dans son ombre, banlieue de la scission et du rejet, abandonnée, esquisse de bidonville et de bourg inachevé, amas de tôles, de carcasses d’acier, de pneus encore fumants et d’ordures pour toutes richesses. Ils étaient fiers de leur ville. Ils avaient été enfermés pendant quatre années en prison, à l’âge de 16 ans, car ils avaient lancé un cocktail Molotov sur un char d’assaut. Saine réaction pour des adolescents sous occupation, aurais-je pensé. Ils avaient gardé de cette jeunesse incarcérée une immense envie de rire, une vie au présent à consumer au plus vite et au plus fort, et d’étranges absences où leurs pensées se sauvaient loin… J’aimais leur énergie de fin du monde. En visitant le tombeau de Lazare, sombre puits anodin aménagé en antre sépulcral, je pensais à la fadeur de cette résurrection peinte par le sage et transparent Jean Jouvenet. La toile manque indubitablement de subtilité, mais la lumière y est belle, comme en état de révélation. A Bethanie, la lumière était blanche et plate, sans concession, désertique. Mes amis, vertigineux d’énergie et de brisures.
Un garçon rouge
Paré d’un gris paréo
Regarde le peintre fauve
Sourit lèvres suaves
Un déhanchement troublant
Ligne serpentine de la poitrine
Regard au khôl
Désir à peine dissimulé
Agile félin à dompter
The thing he loves…
Crois
Exsudat
La chair de la foule. Je te savais
résumé
Carnet de notes ou carnet de voyage, journal ou journal de bord, recueil de poèmes et de débris, ce premier Cheminement – Fragments et débris de Philippe Guiguet Bologne, un Je n’étais pas là dont le titre s’explique au fil des pages, amène son lecteur à fréquenter avec passion, et parfois avec déraison, El la femme qui est toutes les femmes, Gibril l’ange des banlieues, Jawad le jeune homme qui se perd, Mikal l’ange-régent, un homme à la tête d’étoile de mer aussi tiraillé que ces cinq bras, un amant centaure, une licorne mélancolique, une baie de Tanger parcourue dans toutes ses courbes, les banlieues du Caire, d’Addis-Abeba et de Barcelone, des matelots tueurs et des cosmonautes rieurs, la crête des vagues et le miroitement de la mer, un artiste japonais érotomane, Jean Genet, Juanita la Maricona et bien d’autres personnages et lieux. Une folle et mutine aventure dans un musée imaginaire, entre l’Orsay des impressionnistes, le Louvres des Renaissants et un Madame Tussaud bien personnel, qui se lit comme un oratorio se chante, à voix et à clefs aussi multiples que variées.
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Je n’étais pas là (Cheminement I – Fragments et débris) est disponible dans les librairies tangéroises et dans toutes les librairies en France et dans les pays francophones où sont distribuées les publications des éditions Al Manar. Il est possible de commander le livre directement cher l’éditeur en cliquant sur ce lien.